Les livres

► Assise : Une rencontre inattendue

► Debout-payé



Livres 71 1Assise

Une rencontre inattendue

de François Cheng

Albin Michel, 2014, 9,50 euros.


Petit par le volume, tout juste 51 pages, ce texte est grand et fort par son contenu. François Cheng y livre une étonnante expérience spirituelle et culturelle. Venu de la Chine dont il a conservé la mémoire culturelle ancestrale, il retrouve, dans la géographie du pays d’Assise, une connivence avec le langage de la terre et de la pierre, “le rapport fécond que l’homme se doit d’entretenir avec la terre. La vue de ce haut lieu réveilla en moi la réminiscence de la tradition du feng shui, la géomancie chinoise : un site exceptionnel est censé avoir le pouvoir de propulser l’homme vers le règne supérieur de l’esprit. Et je vis combien le site d’Assise qui se déployait devant mes yeux était marqué d’un signe faste”.

C’est donc d’abord à travers le lieu que François Cheng découvre le “FrèreUniversel” et il ne cesse d’approfondir, à travers les paysages, la connaissance et l’approche de François. Nous sommes loin des “Fioretti” et plus proches, pourtant, de celui qui fut l’un des grands poètes mystiques de l’Occident, en même temps qu’un grand maître dans le cheminement douloureux et joyeux vers l’accomplissement, l’épanouissement de l’être total dans le Christ.

Une méditation vivifiante, loin des clichés et pleine d’humanité, dans la lumière d’un lieu habité par l’Esprit, tout autant aujourd’hui qu’au XIIIe siècle. Le petit opuscule se termine par le Cantique des Créatures, et c’est un grand bonheur de retrouver ce poème qui a traversé les siècles en gardant sa fraîcheur et sa ferveur.

Andrée Penot



Livres 71 2Debout-payé

de Gauz

Le nouvel Attila, 170 pages,

17 euros.

 

Un roman, mais bien davantage qu’un roman : un chant, une histoire politique, une satire. Des choses vues et entendues par l’un de ces vigiles africains, comme nous les avons tous rencontrés à l’entrée des magasins. C’est bien connu, “les Noirs sont costauds, les Noirs sont grands, les Noirs sont obéissants, les Noirs font peur”, mais ceci n’est qu’un ramassis de clichés qui sommeillent dans la tête des Blancs chargés du recrutement, même s’il y a aussi des Noirs dans les équipes qui recrutent.

Gauz, Ivoirien doué, est venu à Paris faire des études de vétérinaire, avec une bourse et un visa touristique qu’il n’a pu transformer en visa étudiant. Le voilà étudiant sans-papiers contraint à devenir vigile pour survivre. Au travers du parcours d’Ossiri l’Ivoirien, le héros de son roman, c’est le regard aigu d’un vigile à qui à l’embauche, on a remis un sac contenant un pantalon noir, une veste noire, une cravate noire ou blanche et un emploi du temps mensuel indiquant heures et lieux de travail. Pas aussi facile que ça en a l’air. Rester debout toute la journée, répéter l’exploit de l’ennui jusqu’à être payé à la fin du mois. “Debout. Payé.” Pour tenir, il faut observer. Ce qu’a fait Ossiri lorsqu’il travaillait au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Elysées. Une moisson captivante de choses vues et entendues, mettant en lumière les travers, les différences et les souffrances africaines. Mais c’est aussi une satire des dérives du monde marchand contemporain. En quatre pages de conclusion, Gauz raconte son étonnant itinéraire d’auteur, photographe de mode, reporter,réalisateur, consultant à l’OIF (francophonie), jardinier et artiste engagé au côté d’altermondialistes.

Michel Cuperly